lundi 5 mars 2018

Mais encore..

Ce n'est pas parce qu'on prend l'avion que le voyage est terminé. À l'instar du silence qui suit un concerto de Mozart et qui appartient encore à Mozart, le vol du retour de voyage fait encore partie du voyage.

C'est à nouveau 24 heures de périple pour ce retour et il peut s'en passer, des choses, pendant ce temps.

Alaska Airlines. Retenez bien ce nom, c'est à éviter. Je sais bien qu'il s'agit d'un vol domestique, Hawaii étant le cinquantième état des USA, mais c'est tout de même six heures de vol. Dans cet avion, pas de prise électrique, pas de prise USB, pas de couverture, pas de collation, pas de repas, pas de cinéma. Rien. On embarque, extinction des feux et tout le monde au dodo. Pour l'instant, c'est en adéquation avec mon rythme biologique, tant mieux, mais j'aurais bien mangé un petit quelque chose, moi. Par je ne sais quel miracle, j'arrive à dormir presque tout du long et je ne vois pas passer ce trajet.

Arrivée à Seattle

J'ai six heures d'escale à Seattle où je sens la différence de température, même si je ne quitte pas l'aéroport. Il fait 20° de moins qu'à Hawaii. Je cherche un desk Delta Airlines, toujours pour tenter de surclasser mon siège. J'y tiens. Un peu trop je pense... Je focalise plus sur le doute que ça marche que sur la joie d'obtenir un surclassement, résultat: le doute l'emporte! Caramba!

Au détour d'un grand hall, je m'adresse au préposé à la sécurité qui trône là, dans une petite boîte surélevée. Il répond à ma question par d'autres questions sur le ton du mec qui sait tout et qui a à faire à une demeurée possiblement agressive. C'est la seconde fois qu'un uniformisé (habillé d'un uniforme) me parle ainsi; le premier, c'était à l'arrivée à Kona quand je cherchais ma valise oubliée. Il m'avait demandé mon nom comme pour vérifier si j'étais au courant de cette info. «Alors d'abord, quel est votre nom?» Qu'est-ce qu'on en a à foutre quand je suis là en personne devant lui et que je cherche ma valise?

Bref, je réponds sagement car j'ai l'impression que si j'utlise mon QI, ça va le figer et le faire dérailler. Quand elle est artificielle, l'intelligence n'a aucune imagination et elle n'est pas exclusivement l'apanage des machines. Donc je réponds que oui, ma valise est enregistrée jusqu'à mon arrivée finale alors que ma question était de savoir à quelle porte j'allais embarquer pour Paris. Il m'indique où se trouve le guichet Delta Airlines qui va pouvoir me renseigner et je passe devant lui sans me rendre compte que je sors de la zone de transit. Rien ne l'indique, hormis sa présence à lui dans cette drôle de boîte qui surveille le passage. Je suis bredouille au guichet car il est trop tôt pour savoir à quelle porte mon avion se trouve, l'affichage se fait quatre heures seulement avant le départ et pas de surclassement possible, ce vol est complet. J'ai quand même l'information du terminal — le F — et je veux m'y rendre quand je me rends compte que je dois repasser la sécurité.

Les idées sombres m'envahissent quand je vois la queue. Je suis fatiguée, j'ai envie et besoin d'un bon café. Lenteur, inefficacité, vitalité minimum des préposés à la machine à rayons X, vivement que tout cela soit complètement remplacé par des robots dans l'espoir qu'ils seront programmés à être souriants, aimables, gentils et polis. Et beaux, pourquoi pas? Je médite sur la paranoïa qui a envahi la société et les moyens mis en oeuvre pour tenter de nous donner un sentiment de sécurité. Un scoop, les gars: c'est raté! Ce grabuge est contre-productif, car la parano-hypnose-collective véhicule également la conviction que le terroriste qui le veut peut passer entre les mailles de ce filet qui se croit étriqué. Ça gâche le plaisir de voyager!

Je chasse mon humeur chagrine à l'aide d'une grande respiration et la pensée que «ce n'est pas monde». Ne changez rien, les gars, je ne fais que passer.

Presque deux heures ont déjà passé et le tableau électronique géant indique la porte de mon avion: F30. Je m'y rends et enfin, je peux m'offrir un bon café, un croissant et un pain au chocolat que je savoure avec volupté. J'avais faim. C'est sûrement pour ça que j'étais un peu grincheuse. Je paramètre  la wifi, je me branche sur mon monde, celui des amis consciemment choisis.

Après cette pause régénérante, escale aux toilettes avant de me choisir le meilleur fauteuil du hall d'attente à côté d'une prise électrique. Je mets tous mes appareils en charge et je commence à écrire mes articles de blog car je suis un peu à la traîne. J'appelle une copine en Angleterre et une en Suisse grâce à whatsapp et je remercie une fois de plus la technologie moderne. Il me semble qu'un quart d'heure seulement a passé quand l'hôtesse annonce que l'embarquement commence. Une fois de plus, le temps est une denrée à géométrie variable.

Finalement, il n'est pas si mal, mon siège: hublot avec seulement une voisine. On se parle d'abord en anglais mais j'enteds son accent, il est indubitablement français. Elle est d'Aix-en-Provence, elle est venue passer dix jours avec sa fille et son gendre qui habitent Seattle et comme moi, elle rentre chez elle. Elle fera une voisine tout à fait agréable. Elle me demande que lorsque la nuit viendra de bien vouloir relever le cache hublot car nous allons survoler le Groenland et l'Islande et «la dernière fois, on a vu des aurores boréales». Woah!

Après cinq heures de vol, je commence à avoir mal partout. J'ai beau me lever et faire quelques pas dans l'allée, je souffre du confinement et de l'ankylose. J'arrive à dormir, mais pas autant que je le voudrais. Le programme des films est vaste et j'ai ma propre playlist sur mon ordinateur.

Nous volons depuis un moment dans la nuit venue à notre rencontre quand j'aperçois une lueur blanche. C'est la pleine lune qui se reflète sur la mer de nuages en-dessous et qui semble cheminer à nos côtés. Au-dessus, une mer d'étoiles. C'est magique. Hélas, pas d'aurore boréale cette fois.

Pas aussi beau qu'en vrai...

Je trouve le temps long. La prochaine fois que je fais un tel voyage, je me promets soit de faire une vraie étape à mi-chemin avec une ou deux nuits au minimum dans la civilisation ou alors, je me paye la première classe! Je le vaux bien!

Le jour se lève quand nous atterrissons à Paris. Claude, ma voisine, se rend dans le même terminal que moi et c'est ensemble que nous longeons les couloirs tout en papotant. L'accès aux trains navettes est coincé, on nous dit que quelqu'un a oublié un bagage. Et voilà que la réalité du jour revient en force. Autrefois, une valise oublié dans un couloir était simplement rapportée aux objets trouvés. Aujourd'hui, c'est une menace, il y a peut-être une bombe, voyez-vous? Ah non, je n'avais pas vu tout de suite, je suis restée sur autrefois, moi. Je la visualise rouge, cette valise menace qui tient soudainement plusieurs centaines de gens à distance, entassés dans un grand hall d'aéroport et sur les marche des escaliers qui y mènent. C'est tout le traffic piéton des correspondances qui est bloqué ici par une petite valise rouge qui contient probablement les effets personnels d'une personne distraite ou fatiguée par le voyage et qui serait aussi rouge de honte que sa valise si elle pouvait nous voir ainsi coincés dans ce hall qui n'est pas prévu pour cela et dans lequel il commence à faire chaud et oppressant.

— Ils vont la faire exploser, prophétise Claude en précisant qu'elle a vu cela une fois.

Je gémis intérieurement en espérant que ce ne soit pas le cas. C'est sûr, au train où c'est parti — si j'ose dire, parce que justement, les trains, là, de l'autre côté du sas, ils partent sans nous — je vais louper mon avion pour Genève. Ce qui m'étonne le plus c'est à quel point je reste zen. Je suis en mode zombie et si je m'énerve, ça va épuiser inutilement le peu d'énergie qui me reste. Beau réflexe de survie! La technologie moderne me permet d'envoyer quelques kilos d'octets à mon entourage pour raconter la péripétie et avertir de mon éventuel retard.

Soudain, les portes s'ouvrent et nous nous engouffrons; je ne saurai jamais ce qu'ils ont fait de cette valise que je ne voyais même pas dans ce grand hall vide au travers des vitres et je m'en fous. Je vais peut-être arriver à prendre mon vol, moi, après tout. Je laisse Claude que je salue d'un grand geste de la main pour galoper à travers les couloirs. Comptoir sécurité. Zut de zut! Essoufflée, je dis que mon avion embarque, que voulez-vous que je sorte? Informatique, liquides, sac, chaussures, non pas les chaussures, écharpes, gilet. La cabine rayons X les bras levés, c'est bon, je reprends tout sur moi et je cours. Contrôle passeport. Re-zut de zut. Ça va vite, je suis entre deux flots d'arrivées.

Enfin, le terminal F. Evidemment, la porte F30 est à l'opposé extrême du terminal. Je suis à bout de souffle et j'ai besoin d'aller aux toilettes, mais pas le temps. Porte F30 enfin! Ouf, l'embarquement ne fait que commencer, ce sont les premières classes qui sont en train d'avancer. Une fois dans l'avion, je suis sur le siège du milieu d'une rangée de trois, un peu gênée de n'avoir pas eu le temps de me rafraîchir, je dégage l'odeur d'un long voyage, pour le dire délicatement...

Quand tout le monde est bien installé, le capitaine nous annonce qu'en raison d'un brouillard dense à Genève, le traffic est retardé, il faudra compter une heure avant de pouvoir décoller. Là, j'hésite une micro seconde à exploser, mais pour la même raison que précédemment, je renonce pour une meilleure solution: je me coince les écouteurs dans les oreilles, j'écoute une méditation et je m'endors en deux minutes.

Il fait beau à Paris et la neige recouvre cette portion d'Europe. Cinquante minutes plus tard, l'avion touche le tarmac de Genève et comme à chaque fois, Georges m'attend avec un bon café. What else?



Ma valise ne met que cinq minutes à apparaître sur le carrousel. Porte de sortie franchie, je rejoins Christine qui m'accueille avec une doudoune et nous dégustons un bon café-papotage avant qu'elle ne me ramène chez moi. Je suis vraiment contente d'être accueillie par elle à mon arrivée, la transition est moins rude.

Le bain que je prends en rentrant est divin, la sieste qui s'ensuit est massive. Je me réveille au bout d'une heure et demie et me force à ne pas me rendormir pour me calquer sur l'horaire local. Je tiens le coup un moment mais je m'effrondre vers 19h. Je me réveille deux heures plus tard, à mon horloge biologique, c'est le matin.


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